Faut-il repartir des métiers pour mieux utiliser la donnée ?

Publié le 12 décembre 2023

En tant que membre du Conseil d’Administration de l’Alliance Digitale , Mykim Chikli a eu le plaisir d’inviter Clementine Antunes , Directrice Marketing et Communication chez Hyundai France, Matthias Oehler , Directeur Data & IA chez la FDJ, Angélique Bidault-Verliac , Chief Data & Performance Officer chez SNCF Connect & Tech, et Pierre-Yves Calloc’h , Chief Digital Officer chez Pernod Ricard à la table ronde « Faut-il repartir des métiers pour mieux utiliser la donnée ? »

Voici un condensé des témoignages de ces pointures du marketing et du digital, tout·es issu·es d’une industrie différente, avec des problématiques distinctes, autour de trois questions : quelle place la donnée occupe-t-elle dans la vision stratégique de l’entreprise au niveau du COMEX ? Comment le COMEX construit-il une vision synthétique de la stratégie en tirant parti de la donnée, et de quelle manière encourage-t-il l’utilisation de cette dernière dans le processus décisionnel ?

Pour regarder le replay de cette table ronde, c’est par ici : Replay.

  • Témoignage n°1 : Investir sur le long-terme pour construire des stratégies data durables, avec le témoignage d’un constructeur automobile, Hyundai Motor France

“La data, il n’y a que par l’enrichissement personnel et individuel que l’on gagne en maturité sur le sujet” tient à introduire Clémentine Antunes, Directrice Marketing et Communication de la marque. Chez Hyundai, qui a naturellement une fréquence d’achat relativement longue, la donnée de vente des concessionnaires permet d’améliorer la relation avec ses clients finaux. Pour la Directrice Marketing, il est donc nécessaire de responsabiliser les équipes métiers pour intégrer la collecte de données au niveau local.

Pour mettre en place sa stratégie data, la marque a d’abord mobilisé plusieurs acteurs et partenaires techniques pour comprendre quels étaient les enjeux du marché, comment ces acteurs les ont anticipés et quels en étaient les principaux obstacles. Clémentine Antunes constate alors qu’il est essentiel pour son business d’intégrer la data au cœur des métiers, au cœur du réacteur, c’est-à-dire dans les équipes marketing, pour alimenter la CRM, le média, le site web, la personnalisation et ensuite le business. “C’est le Marketing qui transforme l’entreprise, tout ce que l’on sait autour du cycle de vie d’un véhicule est intégré au cœur de l’équipe marketing”. Ainsi, la marque automobile s’est entourée d’agences expertes de la data pour répondre aux trois enjeux suivants : piloter la stratégie data d’un groupe automobile coréen dans un écosystème complexe, harmoniser les outils et évangéliser l’interne.

Forte du benchmark réalisé en amont, la première étape pour la Directrice Marketing et Communication était de convaincre son président que “la mise en place d’une stratégie data nécessite du temps. Pour Huyndai, il nous faudra 4 ans avant de justifier d’un retour sur investissement”. Clémentine Antunes nous a ainsi partagé une vision synthétique de sa stratégie data, sur quatre ans. Création d’outils et de nouveaux process, investissements RH,… Ce sont les moyens qu’il faut se donner pour devenir la top brand automobile sur les stratégies data et piloter chacune des décisions sur la base d’insights. L’approche consiste à apprendre en faisant des tests & learn et à responsabiliser les équipes métiers au travers de workshops dédiés pour que toutes les équipes – et pas uniquement marketing – puissent définir leurs propres cas d’usage. La finalité : impliquer également les concessionnaires qui collectent la donnée First-Party de la marque.

Pour encourager la culture de la data au sein de l’entreprise, Huyndai a d’abord externalisé ses talents. “Nous avons recruté un manager Data qui sait piloter les transformations par des cas d’usage data dans l’automobile. Il peut s’appuyer de trois experts de la data externalisés mais intégrés chez Huyndai”. Clémentine Antunes insiste qu’aujourd’hui, peu importe le métier, pour survivre, il faut s’intéresser à la data, au risque de devenir “poussiéreux”.

Demain, les défis de la Direction Marketing et Communication seront donc de trouver un ROI au sein de sa donnée First-Party, en saisissant les opportunités de la Data Collaboration et de la Monétisation grâce, notamment, à la donnée générée par ses véhicules connectés.

Le conseil de Clémentine ? “Soyez courageux et curieux pour apprendre de vous-mêmes toutes les notions liées à la data”.

  • Témoignage n°2 : Adopter une approche pragmatique de la donnée pour prioriser vos cas d’usages et vos investissements, avec le témoignage d’une marque Grande Conso, Pernod Ricard

“Le défi pour une marque dans la grande consommation, c’est qu’on n’a pas de contact direct avec les consommateurs” démarre Pierre-Yves Calloc’h, Chief Digital Officer de la marque. Le premier réflexe pour ce CDO était d’essayer de collecter de la donnée consommateur. Erreur, puisque la marque n’a pas de contact récurrent avec ces derniers. L’enjeu est alors de se rapprocher des retailers, qui eux sont en contact direct et constant avec les consommateurs finaux. La marque a ainsi exploré des sources alternatives, utilisant des données de ventes achetées auprès de ses partenaires pour améliorer la satisfaction interne et celle de ses clients.

Pour Pierre-Yves Calloc’h, le cœur du réacteur c’est la définition des cas d’usages. “Alors parfois, on trouve des données qui ne sont pas organisées, mais c’est simplement parce qu’il n’y a pas de besoin, ça ne sert à rien de perdre du temps et de l’argent à les structurer si aucun besoin n’a été identifié”. La question part ainsi des métiers : de quelle donnée j’ai besoin pour prendre ma décision, pour générer une nouvelle action ? Cela permet à l’entreprise de se constituer une bibliothèque de cas d’usages de la donnée et de l’enrichir au fur et à mesure des utilisations nouvelles générées par un besoin précis. Génération d’idée, idéation,… C’est pour Pierre-Yves Calloc’h l’un des meilleurs moyens d’enrichir l’expérience de ses équipes avec la donnée et d’améliorer sa stratégie data de façon durable et pragmatique.

D’ailleurs, le CDO ajoute qu’en interne, le terme data a carrément été banni, parce qu’il fait peur. On parle de besoin, d’objectifs à atteindre, cela permet de définir un bénéfice client précis, sans perdre du temps sur la manière dont ce sera fait, par quelle technique, stratégie, etc. « J’attends des experts de la donnée de répondre à un besoin métier. Les équipes métiers ne doivent pas perdre du temps sur ce sujet, elles doivent se concentrer sur leurs objectifs business ».

Le conseil de Pierre-Yves? “Priorisez vos cas d’usages pour construire votre feuille de route dans le bon ordre.”

  • Témoignage n°3 : La stratégie data comme moteur des prises de décision business avec le témoignage de SNCF Connect & Tech

“SNCF Connect & Tech, c’est 1 milliard de visites par an : données sensibles, en open-data, référentiels externes, données non structurées, verbatims conso… L’enjeu est de s’assurer que la data mise à disposition est utile pour les usages des équipes marketing” amorce Angélique Bidault-Verliac, Chief Data & Performance Officer. Le quotidien des équipes est de traiter la donnée pour la prise de décision des plans média et des leviers à utiliser.

SNCF Connect & Tech a donc installé une direction data, rattachée à la Directrice Générale, ayant pour rôle de mettre en lumière les opportunités business grâce à la data afin d’orienter les prises de décision. Ainsi, l’approche agnostique de la Direction Data permet de challenger chaque décision de l’entreprise. Concrètement, SNCF Connect & Tech a instauré un cockpit hebdomadaire pour analyser les chiffres, permettant de mettre en action les enseignements.

Pour encourager l’utilisation des données dans la prise de décision de toutes les équipes métiers, il est primordial de fonder une culture de la data au sein de l’entreprise. SNCF Connect & Tech a adopté une approche de démystification de la data, en créant un « Data-alphabète » pour les plus novices. Pour celles et ceux qui sont un peu plus avancé·es, l’entreprise pousse les équipes métiers à explorer d’autres équipes à travers des jeux. Cela les incite à aller voir d’autres dashboard, d’autres problématiques et d’autres bonnes pratiques… avec cadeaux à la clé !

Le conseil d’Angélique ? “Arrêtez d’aller dans le bureau de la Direction Data pour demander un dashboard. Venez avec un besoin pour une utilisation plus efficace de la data”.

  • Témoignage n°4 : Créer un langage commun et briser les silos de la Data, avec le témoignage du leader de Jeux d’Argent et de Hasard, FDJ – La Française des Jeux

“Chez FDJ, nous travaillons avec un nombre de données redoutées par les CDO : les données non-identifiées. Ces données anonymes et sensibles sont travaillées par toutes les Business Units de l’entreprise. Et chaque Business Units à ses propres besoins, voire son propre vocabulaire autour de cette donnée” explique Matthias Oehler, Directeur Data & IA de la marque. En effet, l’entreprise travaille principalement avec des données clients issues des réseaux de commerçants partenaires (près de 30 000 points de vente). La gestion de cette donnée anonyme et sensible est clé. La FDJ a donc décidé d’adopter une approche plus pragmatique et orientée métier en déployant les équipes data au cœur des équipes métiers. Ainsi, la data est traitée comme un sujet métier, chaque équipe l’utilisant de manière unique en fonction de ses besoins.

Pour réussir ce pari, Matthias Oehler souligne l’importance de se créer un langage commun pour s’assurer que toutes les équipes se comprennent et éviter qu’elles travaillent en silo ! Par ailleurs, investir dans l’accompagnement et la formation de toutes les équipes qui travaillent sur la data est un facteur clé de succès pour appréhender les transformations majeures liées à la data. C’est dans ces basculements marché que l’énergie et le temps passé sur les tâches doivent être surveillées de près. Autrement dit, les équipes doivent se concentrer sur les données qui participent véritablement à la prise de décision, plutôt que cette donnée s’égare dans des présentations PowerPoint.

Le conseil de Matthias ? “Encouragez l’accueil de l’IA générative sans écraser l’existant, utilisez-la comme un levier pour mettre en place une véritable démarche structurée.”

En résumé, quels sont les 3 trois piliers pour sensibiliser vos Comex aux enjeux stratégiques de la data pour leur business ?

  1. Établir une stratégie business data driven sur le long terme.
  2. Définir les besoins, les fameux cas d’usages, et prioriser les projets en fonction du ROI.
  3. Démystifier la complexité technique et encourager une culture de la donnée pour qu’elle devienne outil au service de tous les métiers de votre entreprise.

Et vous, quelle place la donnée occupe-t-elle dans la vision stratégique de votre entreprise ?

Quel usage les métiers ont de la donnée dans votre entreprise?

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