Mykim Chikli souligne l’intérêt pour le marché publicitaire du projet d’identifiant unique européen de Vodafone, Deutsche Telekom, Orange et Telefónica, mais pointe une série de difficultés à surmonter, tenant en particulier au recueil du consentement utilisateur, à la multiplicité des ID déjà existants et aux écosystèmes fermés.
Le projet TrustPid, présenté officiellement début janvier par Vodafone, Deutsche Telekom, Orange et Telefónica, soit les quatre principaux groupes télécoms européens, pour mettre en place et proposer aux acteurs publicitaires un seul identifiant partagé, est prometteur à double titre.
D’abord parce qu’il répond à une préoccupation majeure du marché : la taille et l’efficacité d’un identifiant unique à l’échelle européenne. L’énorme volume du trafic internet opéré par ces opérateurs permettra aux marketers d’atteindre un reach important. Ensuite parce que la construction de cette alliance entre opérateurs est cadrée par la Commission européenne. Une fois validé par une autorité politique aussi importante – la réponse est attendue d’ici le 10 février – le projet sera présumé respecter le cadre légal et les règlementations en termes de consentement et de respect de la vie privée des internautes.
Dans les faits, cependant, il reste trois points à éclaircir.
1) Le double recueil de consentement
Ce projet n’évite pas le problème du consentement. L’alliance précise que les internautes devront autoriser la mise en place de cet ID sur chaque site web participant, séparément et via un opt-in. C’est une énorme contrainte lorsque l’on sait qu’entre 20 et 30 % des internautes ne donnent déjà pas leur consentement actuellement sur les CMP de la plupart des grands sites médias. On perdrait alors une grande part de couverture promise par cette alliance européenne.
2) L’interconnexion de tous les identifiants
Cette initiative s’inscrit dans le paysage déjà ultra-concurrentiel des identifiants uniques. Sans interconnexion avec les autres identifiants du marché, cela complexifie l’accès à ces solutions qui n’ont pas encore réussi à prouver leur efficacité. Or, tous utilisent jusque-là des standards différents et ne communiquent pas entre eux. Notre outil est connecté à ces solutions d’ID uniques et les propose régulièrement à ses clients détenteurs d’une DMP ou d’une CDP. Notre constat : aucun d’entre eux n’a décidé de les activer pour le moment en raison d’un contexte encore trop incertain.
3) Le “wall garden” d’Apple
Ce nouvel identifiant publicitaire s’appuiera sur les adresses IP de la clientèle mobile de chacun des acteurs de l’alliance. Mais quid du Apple Private Relay, qui cache les adresses IP de tous les clients iCloud propriétaires d’un iPhone ? Là encore, une bonne part de l’audience sera soustraite. C’est un handicap qu’on ne peut évidemment pas ignorer.
“Il est indispensable de capitaliser aujourd’hui sur sa donnée propriétaire”
J’ai envie de croire en ce projet, car ces solutions d’ID uniques offrent un reach supplémentaire dont on ne peut plus se passer dans un monde sans cookie tiers. D’ailleurs, avec l’arrivée des data clean room, qui s’appuient sur des identifiants propriétaires, les marketers seront en mesure d’enrichir leur donnée propriétaire avec l’ID unique.
Mais les limites de ces initiatives que nous avons identifiées nous rappellent qu’aucune alternative ne peut remplacer à elle seule à 100 % le cookie tiers. Seule l’addition de plusieurs technologies permettra aux acteurs d’obtenir le plus de couverture possible dans un monde post-cookie tiers.
En attendant que le marché de l’ID unique soit en ordre de marche, il est indispensable de capitaliser aujourd’hui sur sa donnée propriétaire en investissant dans des solutions de CDP. Ces dernières centralisent les données de l’ensemble des sources – dont les solutions d’ID uniques – pour obtenir une connaissance parfaite de ses consommateurs et développer ses cas d’usage en marketing direct. Et de façon complémentaire, le ciblage contextuel a déjà fait ses preuves en termes d’activation média sans cookie, sans ID et sans consentement. Et son résultat est clair : il offre de meilleurs résultats que les cookies tiers tant en branding qu’en performance.